Chère Madame

Nous avons été confrontés à une situation de fraude lors du stage d'un étudiant accueilli dans mon entreprise.

Je me permets de vous exposer la situation que j'ai rencontrée, suivie de sa conclusion qui n'a pas été des plus satisfaisantes avec l'université concernée.

Je décris ici le déroulement complet de l'incident, afin que ma perception de "chef d'entreprise" soit respectée.

Je vous précise que cette lettre n'implique aucune animosité envers le corps enseignant de la faculté impliquée. Ces professeurs ont, à mon sens, été dépassés, voire manipulés, par l'étudiant en question.

Voici les faits :

Sur demande d’un professeur de l’Université Blaise Pascal (Clermont-Ferrand II) rencontré lors d’un colloque scientifique, j’ai accepté de recevoir dans le bureau d’études où je suis associée, un étudiant en stage de fin d’études d’ingénieur.

Mon associé et moi lui avons confié un sujet en rapport avec une thématique de recherche innovante développée dans notre bureau d’études en parallèle de ma thèse de doctorat.

Cet étudiant a très tôt eu une attitude traduisant un désintérêt pour l’activité du bureau. Quand nous lui demandions de voir ce qu’il avait commencé à rédiger, il nous répondait qu’il transmettait régulièrement des rapports à ses professeurs qui étaient satisfaits. À vrai dire, étant débordés de travail, nous n’avons pas plus insisté auprès de cet étudiant au comportement anarchique : il déboulait dans notre bureau, engageant à brûle-pourpoint une conversation sur une question qu’il nous posait, repartait ensuite en ayant pris le moindre schéma ou raisonnement que nous avions couché sur le papier.

La version définitive de son mémoire, première version intégrale qui m’a été présentée (le 15 juin dernier), m’a affolée. J’ai contacté aussitôt son professeur responsable pour lui dire que son mémoire était irrecevable. Le corps du rapport résultait de copié-collé et il n’y n’apparaissait pas d’analyse personnelle. Plus exactement :

a) la présentation du sujet était un copié-collé quasi-intégral d’un article présenté par moi-même dans un colloque avec quelques ajouts incompréhensibles, faisant éclater à mon œil averti qu’il n’avait rien saisi du sujet ;

b) la bibliographie était quasi inexistante, informe ;

c) il était impossible de distinguer dans le texte ce qui venait de lui et ce qui avait été " repiqué " ailleurs (extraits de rapport, d’articles, de documents de travail du bureau et semble-t-il d’Internet) ;

d) les schémas griffonnés sur papier par mon associé ou moi-même avaient été repris tels quels sans apport personnel ;

e) d’autres figures trouvées dans des rapports de notre bureau avaient été recopiées en changeant juste un trait ou une courbure de dessin (sans citation de l’auteur initial) ;

f) aucune photo personnelle n’était dans le rapport, toutes ayant été reprises de la bibliothèque de photos du bureau d’études, sans citation de l’origine,…

En outre, je me suis rendu compte que certaines figures avaient été pillées sur notre réseau informatique, extraites d’anciens dossiers de ma thèse ou autre dossier. Constatant cela, j’ai fait une recherche sur notre réseau informatique, où il était branché (sans autorisation) et j’ai constaté que des dossiers complets intitulés " thèse " ou " publications " étaient copiés intégralement sur son PC.

Nous avons envoyé immédiatement un courrier officiel (le 26 juin) à l’université dénonçant ce qui se passait, cette fois-ci au responsable des stages et non plus directement à ses professeurs, comme nous l'avions tenté sans succès. Nous n’avons pas obtenu de réponse.

La veille de la date de soutenance prévue (le 29 juin), nous avons appelé au téléphone le responsable de la formation.

Nous avons été accusés d’avoir prévenu l’université trop tard pour qu’il soit fait quoi que ce soit, et il fallait qu’on vienne le lendemain à la soutenance de cet étudiant " dont nous avions pris la responsabilité " (sic).

Nous avons bien sûr refusé, car cela aurait été une façon de reconnaître que le mémoire méritait d'être soutenu.

Depuis, nous avons envoyé plusieurs mails et un courrier aux responsables de la formation pour connaître les décisions qui ont été prises suite à notre coup de fil.

Nous avons finalement reçu un courrier du responsable de la formation, nous informant que "le jury de soutenance s’est tenu conformément aux règles en vigueur pour nos examens. Lors de la soutenance, rien ne nous a permis de douter de la qualité du travail réalisé. La présentation a été jugée claire, complète, suffisamment étayée au plan scientifique et les réponses aux questions ont confirmé que le candidat connaissait très bien son sujet ".

Mais c’était NOTRE travail… C’est provocant et insultant !

Nous sommes également rappelés à l’ordre : "Sachez que nous n’avons ni le droit ni l’envie de nous ingérer dans la gestion des entreprises qui accueillent nos stagiaires. En contrepartie, il appartient à ces mêmes entreprises de gérer leurs relations avec les élèves dont ils prennent la responsabilité. "

En conclusion :

- Notre entreprise a été utilisée par un étudiant pour obtenir un diplôme par le biais du pillage informatique et intellectuel.

- Des idées innovantes, non encore publiées, sont diffusées dans un mémoire d’étudiant qui a déformé nos précédentes recherches et s’est attribué les nouveaux résultats.

- Nous ne comprenons pas que notre évaluation du stage n’ait même pas été entendue, réduite à une vulgaire opinion à opposer à la parole du stagiaire.

- Cet étudiant va utiliser ce " très bon et honnête travail " pour obtenir un poste d’ingénieur avec la bénédiction de ses professeurs.

Pour finir, étant entreprise, il faut savoir que nous restons très dubitatifs devant le comportement de ces étudiants, en l'occurrence futurs ingénieurs...

Il est, en effet, de plus en plus difficile de trouver des postulants recevables et employables. Ils sont nombreux à être exigeants et revendicatifs, alors qu'il n'ont aucun savoir pratique immédiatement utilisable chez nous. Les systèmes de combine appris et utilisés à la fac ne résisteront pas à la réalité professionnelle.

Meilleures salutations,

Anna-Belle Marand et Georges Henri Ducreux
Bureau d'études géologiques
Château-Arnoux (04 - France)

//responsable-unige.ch