Montréal, le 30 mars 2011.

Plagiat à l’heure de la mondialisation

Sur invitation de l’Association des Membres de l’Ordre des Palmes Académiques (AMOPA), j’ai prononcé une conférence à Strasbourg, le 19 octobre 2009. Le texte de ma conférence a été publié dans le numéro 188 (avril/mai/juin 2010) de la Revue de l’AMOPA. Le schéma et le plan de ma conférence correspondaient à ceux d’un livre que je suis sur le point de publier.

En décembre 2010, j’ai découvert qu’un certain Fady Fadel, Vice-recteur et Professeur à l’Université Antonine de Beyrouth, avait publié en juin 2010, dans le journal L’Orient-le Jour, trois articles qui copiaient, en général mot à mot et parfois avec des modifications tout à fait mineures, de larges passages de ma conférence. Les trois articles ont également paru dans d’autres publications sous la signature de Fady Fadel.

Le 9 décembre 2010, j’ai adressé une mise en demeure au Professeur Fady Fadel. Dans ma lettre, j’ai dénoncé le « plagiat éhonté » dont il s’était rendu coupable, en ajoutant que « dans ma longue carrière, je n’ai jamais été confronté à un cas aussi flagrant de plagiat, évidemment indigne d’un universitaire qui se veut respectable ».

En janvier 2011, le Professeur Fady Fadel m’a d’abord répondu qu’il avait chargé un groupe d’étudiants de lui préparer une note. Il m’a ensuite fait savoir que le texte envoyé au journal L’Orient-le Jour « en son absence », « ne contenait pas du tout les références et les citations qui figuraient dans la version authentique (dont bien entendu votre nom et la note explicative relative à notre inspiration de votre plan et de votre approche) ». Dans le but de « réparer cet incident », le Professeur Fady Fadel m’a invité à Beyrouth « comme invité d’honneur », tous frais payés. J’ai ignoré cette invitation.

Le Professeur Fady Fadel a finalement publié, dans L’Orient-le Jour et dans les autres publications où « ses » articles avaient paru, une mise au point selon laquelle « il a manqué, par mégarde bureaucratique, les notes en bas de page qui devaient spécifier que la communication s’inspire fortement de l’approche et du plan de travail développés par le Professeur Peter Leuprecht dans sa conférence prononcée le 19 octobre 2009 à Strasbourg et publiée dans le numéro 188 de la Revue de l’AMOPA ». Cette formulation relève évidemment de l’euphémisme ou de l’ »understatement », car en réalité il s’agit de bien plus que d’une « inspiration ».

Il va de soi que j’ai informé l’AMOPA du plagiat dont sa Revue et moi-même étions victimes. Ayant constaté le plagiat, Monsieur Patrice Henriot, Secrétaire Général administratif de l’AMOPA, m’a écrit :

« Pour des raisons que vous comprendrez aisément, nous estimons qu’il vaut mieux ne pas jeter d’huile sur le feu, surtout lorsqu’il a pour lieu des régions où il se propage aisément…C’est après tout un honneur que d’être pillé. Cela montre et l’intérêt du texte ainsi mis à contribution, et celui que présente la Revue dont il est l’hôte. »

Étonnante indulgence de cette noble institution dont d’ailleurs le Professeur Fady Fadel fait partie; il est Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques.

Dr. Peter Leuprecht

Professeur de droit international public
Ancien Directeur de l’Institut d’Études Internationales de Montréal
Ancien Doyen de la Faculté de Droit de l’Université McGill, Montréal
Ancien Directeur des Droits de l’Homme et Secrétaire-Général Adjoint du Conseil de l’Europe

 

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